Alcool et allaitement

L'alcool et l'allaitement sont-ils compatible? Est-il possible de boire de l'alcool en allaitant et si oui, y a t-il une limite à respecter?

Table des matières

Les études autour de l’alcool et la lactation

La littérature scientifique autour de la consommation d’alcool et de l’allaitement est assez pauvre pour une question d’éthique. En effet, il est difficile de demander à un échantillon de mères de boire de l’alcool pour vérifier les effets potentiellement nocifs sur le bébé. Nous allons essayer de regarder les études disponibles de façon éclairée.

Pour information, 1 bière classique ( ½) ou un verre de vin est égal à 10g d’alcool. Ici, c’est cette quantité d’alcool que je nommerai “verre standard” dans l’ensemble des études citées.

Les effets sur la lactation

L’American Academy of Breastfeeding, qui est une référence, a déclaré que l’allaitement est compatible avec une consommation d’alcool. Cependant une consommation à hauteur de 1g/kg par jour peut être un facteur à risque, à cause de la diminution de la production de lait. L’institut de médecine des États-Unis, quant à lui, parle d’une dose risquée à hauteur de 0.5g/kg par jour. Une autre étude évoque un risque à partir de 2g/kg par jour.

Sur la production de lait

Concrètement, pour une femme de 60kg par exemple, une dose de 30g à 120g d’alcool pourrait avoir des conséquences sur la production de lait, et, par ce fait nuire au développement du bébé à cause du manque d’apport de lait.
Cependant, à partir du moment où les mères cessent leur consommation d’alcool, les bébés rattrapent leur consommation de lait dans les 8 à 12h suivant l’arrêt de l’alcool.

Ainsi, une consommation de 3 à 12 verres par jour pourrait réduire considérablement le volume de lait. L’écart est grand, car, selon un article de 2006 :

“Les facteurs qui influent sur le taux d’alcoolémie de la mère comprennent le poids corporel, la quantité de tissu adipeux, le contenu de l’estomac au moment de l’ingestion d’alcool, la vitesse à laquelle les boissons alcoolisées sont consommées et la quantité et la force de l’alcool dans la boisson”

Donc il existe autant de variables qu’il existe de métabolismes. D’où l’intérêt d’être attentif à sa consommation d’alcool.

Une étude portant sur 22 mères a montré qu’une consommation d’environ 2 verres standards, soit 0,3g/kg, pour un poids de 70kg, avait réduit la lactation de 9,3% en moyenne suivant les 2 premières heures de la consommation d’alcool.

Étude du mécanisme impliquant l’ocytocine et la prolactine, hormones de la lactation

L’éthanol, principal composant des boissons alcoolisées, bloque la délivrance d’ocytocine, qui permet l’éjection du lait. Une étude parle d’une diminution de 78% de l’ocytocine pour des femmes ayant pris environ 2 verres et demi, soit 0,4g/kg d’alcool.

Mais l’éthanol agit aussi sur la prolactine, hormone responsable de la synthèse du lait maternel. Il augmente le niveau de prolactine basal, durant au moins la 1ère heure suivant la prise d’alcool. Une étude parle d’une augmentation de 336% (à plus ou moins 222%, donc l’écart est grand également).Une seconde étude montre que s’il y a une stimulation mammaire (tirage – tétée) pendant que l’alcool augmente, les taux de prolactine sont plus élevés que si la stimulation est faite pendant que le taux d’alcool descend.

Pour l’anecdote, de nombreuses cultures préconisent de boire de la bière pour son effet galactogène (influant sur la production de lait), mais cet effet est principalement causé par la stimulation de la prolactine qui permet la synthèse du lait. Donc, à une dose conséquente, l’éthanol prend le dessus en inhibant le réflexe d’éjection. La sortie du lait ne se fait plus correctement malgré l’effet potentiellement galactogène de la bière. De ce fait, le risque est l’engorgement ou la mastite.

Il faut donc veiller, lors de la consommation d’alcool, à bien vidanger le sein afin d’éviter un risque d’engorgement. Car si la prolactine augmente, la synthèse du lait est plus rapide, mais si l’ocytocine, donc le réflexe d’éjection, est inhibé, le lait ne peut pas sortir correctement, d’où les risques d’engorgements.

La durée de l’allaitement

Plusieurs études ont relevé qu’une période d’allaitement plus courte était associée à une consommation d’alcool régulière de 2 verres standard.

Le taux d’alcool qui passe dans le lait maternel

L’ethanol est un composant soluble dans l’eau qui passe dans le lait maternel sans difficulté.

Pour une consommation légère, le taux d’ethanol présent dans le lait maternel sera égal à celui qui passe dans le sang. Par contre, pour une consommation modérée à élevée, son taux sera un peu plus élevé dans le lait maternel que dans le sang car le sang est composé à 85% d’eau, tandis que le lait en est composé à 87.5%. De ce fait il est admis que l’ethanol s’équilibre en fonction du taux hydrique (eau).

Quelques calculs :

Par exemple, sur une étude de 1985 portant sur 8 mères ayant consommé entre 0.56g/kg et 1.5g/kg d’alcool, soit environ 3 à 9 verres standard, les niveaux d’alcool étaient plus élevés dans le lait maternel que dans le sang.

Dans cette étude le calcul a été fait pour un bébé de 6 mois pesant 6.5kg, supposant prendre 180ml de lait maternel.
( Ce qui est plutôt une grande quantité car on suppose que le bébé boit plutôt entre 60ml et 120ml de lait par tétée avec un nombre de tétées compris entre 8 et 12 fois par jour pour 1L de lait produit par jour.)

La mère était à son taux d’alcoolémie le plus fort (119mg d’alcool/dl de sang, soit 0.119%). Le bébé aurait ingéré 245mg d’alcool soit 37mg/kg de poids. Donc 0,37g/kg.
Mais l’étude prenant compte la teneur en eau corporelle du bébé, d’environ 0,60mg/kg,le taux d’alcoolémie s’élèverait ainsi à environ 6 mg d’alcool/dl de sang, soit 0,006 %.

D’après les conclusions de cette étude et aussi d’une autre qui l’a confirmée, cette quantité ne serait pas nuisible pour un nourrisson de 5 kg ou 6.5 kg. Cependant, les taux dits non nuisibles sont tout de même les même taux déclarés comme mettant en difficulté le réflexe d’éjection. Donc, il est préférable de dire que le taux d’alcoolémie du bébé n’est pas forcément nuisible pour son développement d’après ces études, mais que ces taux peuvent l’être à cause du problème d’éjection du lait.

La métabolisation de l’alcool chez la femme allaitante

Selon une étude de 2008 et 2011, il est possible de diminuer la biodisponibilité d’alcool en tirant son lait après avoir bu, permettant d’accélérer l’élimination de l’alcool (le lait est toujours consommable dans le cadre d’une ingestion d’alcool légère à modérée). Tout ceci est plus prononcé si la mère allaitante mange en même temps ou après qu’elle ait ingéré de l’alcool.

Durée d’élimination de l’alcool dans le lait maternel

L’alcool met environ 30 à 60 minutes pour atteindre son point culminant et diminue progressivement dans le lait maternel tout comme il diminue dans le sang. Pour un verre standard, les recommandations seraient d’allaiter plutôt 2h après le dernier verre (d’après l’American Academy of Breastfeeding) pour approcher un faible taux d’alcool dans le lait maternel. Tandis qu’une autre étude parlera d’une reprise d’allaitement 3h après le dernier verre.

Une étude de 2001 a évalué le temps qu’il faudrait pour que le taux d’alcool soit considéré comme nul dans le lait maternel,en fonction du poids de la mère et du nombre de verres bus (1 verre étant égal à 10g d’alcool).

Vous pouvez retrouver ce tableau ici :

https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1747-0080.2006.00056.x

Vous pouvez aussi utiliser ce calculateur :

Calcoolateur

Saveur du lait maternel

Deux études de 1991 et 1998 ont démontré que la saveur du lait maternel change avec une consommation d’alcool. Les bébés avaient tendance à téter plus fréquemment les premières minutes suivant l’exposition à l’alcool mais ils retiraient 20% de lait en moins, sur la base d’un taux d’alcool pour la mère de 0,3g/kg, soit environ 2 verres standard pour une femme de 60kg.

Influence sur le schéma veille-sommeil

Certaines études de 1991, 1998 et 2001, ont mis en évidence que le bébé pourrait avoir un sommeil actif plus court juste après avoir bu du lait maternel exposé à l’alcool. C’est-à-dire que les bébés s’endormiraient vite mais se réveilleraient plus rapidement que lorsque les mères ne buvaient pas d’alcool. Ces études ont pris pour mesure le taux de 32mg/100ml de lait maternel une heure après que la mère ait bu 0.3g/kg, soit environ 2 verres standard pour une femme de 60kg.

Cependant ces études ont des résultats discutables. Donc il peut être intéressant d’en avoir considération sans pour autant dire que la consommation d’alcool intervient systématiquement dans le schéma veille-sommeil du bébé.

Risques pour le bébé

L’ethanol est évacué plus lentement chez le bébé que chez l’adulte.
Cependant la littérature scientifique actuelle ne permet toujours pas d’affirmer qu’une dose raisonnable et occasionnelle d’alcool est nuisible ou pas pour le bébé.

En 2014 une revue regroupant 41 études conclut que le bébé recevait environ 5% à 6% de la dose maternelle d’alcool et que cette dose ne permettrait pas d’affirmer qu’elle serait nuisible pour le bébé. Elle précise que l’allaitement peut être associé à une consommation légère et occasionnelle d’alcool et que les recommandations à faire pour une mère allaitante seraient les mêmes que pour une recommandation classique sur l’alcool. Ainsi, il ne serait pas nécessaire d’attendre 2h que le taux soit considéré comme faible à nul.

Une autre étude de 1991 estime que le bébé recevait entre 0.5% et 3.3% de la dose maternelle.

Une étude de 2017 met en évidence que la consommation d’alcool aurait un impact négatif sur l’état général du bébé et sur son développement cognitif et comportemental de façon significative.

Cependant ces résultats pourraient être interprétés différemment avec une population au niveau de vie supérieur, avec une population mieux nourrie et mieux avantagée.
Ce qui induit aussi que les populations à faible statut socio-économique peuvent avoir des effets délétères amplifiés sur les bébés avec une consommation d’alcool régulière.

D’autres études portant exclusivement sur les animaux indiquent des retards évidents des indices de croissance globaux.

Les résultats restent donc discutables, mais ne sont pas à ignorer pour autant.

En résumé

La consommation d’alcool occasionnelle et très modérée est à ce jour considérée comme à faible risque pour le bébé, sans attente de temps pour allaiter le bébé.

Pourtant les recommandations de l’American Academy of Breastfeeding sont de limiter l’allaitement dans les 2h suivant le dernier verre car les effets de l’alcool à long terme sur le bébé ne sont pas connus.

On ne peut pas savoir si une consommation légère et occasionnelle peut avoir une incidence sur le développement du bébé.
Cependant on peut extrapoler qu’une consommation modérée à excessive, peut avoir un impact sur le bébé au vu du temps plus long d’élimination de l’alcool par le bébé.

Une consommation de 3 à 12 verres standard peut considérablement réduire le réflexe d’éjection et réduire la quantité de lait disponible pour le bébé.

Il est possible de réduire la concentration d’alcool en tirant / faisant une tétée 1h avant l’ingestion de l’alcool et d’en accélérer l’élimination en tirant après avoir bu.
Il est conseillé de manger en même temps que l’alcool est ingéré.

La consommation d’alcool peut, peut-être, interférer dans le sommeil du bébé avec des temps de sommeil plus court, et nuire potentiellement à long terme sur son développement, si la consommation d’alcool est régulière.

La consommation d’alcool modérée à excessive et/ou régulière peut potentiellement être associée à des difficultés de développement chez le bébé.

Conclusion : est-Il possible de boire de l’alcool durant l’allaitement

En d’autres termes, la consommation occasionnelle et légère d’alcool peut être envisagée. Au vu des données actuelles, il vous appartient de l’allaiter sans attendre un laps de temps, ou de préférer allaiter en même temps que le verre est bu, puis de redonner le sein 2h à 3h plus tard au minimum.

Le lait maternel sera toujours supérieur et adapté à votre bébé avec une consommation de 1 ou 2 verres standard.

La consommation d’alcool régulière et/ ou modérée à excessive peut avoir des effets indésirables sur la lactation et potentiellement sur le développement bébé. Donc si une consommation excessive d’alcool est envisagée il peut être nécessaire de prévoir du lait afin de pallier le risque de baisse de lactation ponctuelle et à la durée d’élimination de l’alcool qui augmente à mesure que la consommation augmente.

Bon à savoir…

Si vous prévoyez une soirée alcoolisée, pensez à contacter une personne qui restera sobre pour s’occuper de bébé durant la soirée mais aussi à votre retour. L’alcool réduit le niveau de vigilance.

Si vous pratiquez habituellement le cododo et que vous avez consommé de l’alcool, il est préférable de ne pas pratiquer le cododo afin d’éviter les risques d’écrasement ou d’étouffement du bébé.

Si vous pensez qu’il est nécessaire de discuter de votre consommation d’alcool, il est toujours possible de prendre de simples renseignements ici :

https://www.alcool-info-service.fr/

Marina Boudey, conseillère en allaitement en Ardèche et en visio quel que soit votre lieu de vie.

Sources :

https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/bcpt.12149

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4987236/

https://publications.aap.org/pediatrics/article-abstract/88/4/737/57171/Maternal-Diet-Alters-the-Sensory-Qualities-of

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16713502/

https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1747-0080.2006.00056.x

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2831123/

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2720548/

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2588480/#__ffn_sectitle

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Marina Boudey
Lact'essence

Je suis Marina Boudey, j’ai créé Lact’essence en 2021. Je suis maman d’un petit Milo né en 2019, encore allaité aujourd’hui.

Notre parcours d’allaitement n’a pas été simple : né par césarienne programmée, des difficultés sont apparues dès le début.

Des freins restrictifs identifiés assez tardivement, de nombreux doutes, peu d’accompagnement et beaucoup de culpabilité m’ont amenée à me former pour devenir conseillère en allaitement.

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