Peut-on tomber enceinte en allaitant ? Et comment y arriver si tel est le projet ?
La prolactine et ses interférances
Dans le principe, l’hormone prolactine permettant la synthèse du lait est à un taux basal relativement haut, jusqu’à 3 mois environ où elle se stabilise. Cependant, il reste jusqu’à 6 mois observés des pics plus ou moins conséquents de prolactine liés aux tétées. Il est supposé que ces taux de prolactine en pic liés aux tétées baissent au fil de lactation. La prolactine ne devenant plus une hormone majeure du maintien de la lactation.
Cette hormone interfère avec une autre hormone, la GnRH (hormone de libération des gonadotrophines hypophysaires) qui permet la libération de la LH (hormone lutéinisante) et de la FSH (hormone folliculo-stimulante), hormones responsables de la conception. De ce fait, les taux peuvent être suffisamment faibles pour permettre une conception.
Comment se passe le cycle ?
Il existe 3 phases dans le cycle :
- phase folliculaire : le follicule est en croissance grâce à la LH et la FSH
- l’ovulation : le follicule libère l’ovule grâce à la LH et FSH
- la phase lutéale : le follicule devient le corps jaune qui secrète de la progestérone et permet l’implantation embryonnaire dans l’utérus.
Comment interfère la prolactine ?
Si la prolactine est haute (par le taux basal et les pics liés à la succion) , le follicule peut ne pas libérer l’ovule.
À mesure que la succion diminue, le processus s’engage. C’est à dire que le follicule peut libérer l’ovulation mais elle peut ne pas être qualitative puisque les hormones liées à la tétée peuvent interférer avec le bon fonctionnement du corps jaune et donc de l’implantation embryonnaire. C’est souvent caractérisé par une phase lutéale courte.
La façon dont la prolactine inhibe la GnRH et la LH par la succion n’est pas encore très claire.
l’allaitement peut être un facteur retardant de la conception
Il existe d’ailleurs une méthode de contraception, appelée MAMA s’appliquant sur des principes simples. Il y aurait seulement 1% à 2% de chance de tomber enceinte avec cette méthode.
- bébé a moins de 6 mois
- pas de retour de couches
- pas de compléments ni de nourriture solide
- pas plus de 4 à 6h d’écart entre chaque tétée, 6 minimum par jour. Le temps minimum de tétée sur 24h devrait être de 65min au moins
- pas d’utilisation de biberon ou de sucette qui pourrait réduire les prises au sein.
La base du projet de conception, le retour de couches
D’après une étude de 1989 le retour de couches viendrait :
- 7% avant 6 mois
- 37% entre 6 et 12 mois
- 48% entre 12 et 24 mois
- 8% après 24 mois
Soit une moyenne de 14 mois, 6 mois avant le retour de couche
Selon une étude de 1990, si le retour de couche intervient avant 6 mois, il y a 67% de risque qu’il soit anovulatoire, alors qu’un retour de couches après 6 mois réduit ce risque à 22%.
Il est donc possible, mais plus difficile de tomber enceinte avant 6 mois avec un allaitement exclusif. L’ovulation peut être plus souvent retardée avec l’allaitement.
Cependant une revue de 2021, impliquant 17 enquêtes mondiales et 284 enquêtes démographiques menées sur la santé dans 84 pays à revenus faibles ou intermédiaires, a mis en évidence un affaiblissement spectaculaire du recul de l’aménorrhée ces quatre dernières décennies, qui serait corrélée avec l’amélioration du niveau de vie.
L’aménorrhée permet d’assurer la survie de la mère dans une période de besoin énergétique accrue. A la suite de la la lecture de cette revue, l’hypothèse peut être soulevée concernant la qualité de vie améliorée de la mère, par l’accès à des besoins énergétiques sans contrainte et une pénibilité de travail moindre, qui raccourcit la durée de l’aménorrhée car la survie de la mère n’est plus engagée.
La revue à aussi mis en évidence que la faible parité dans la gestion du quotidien, associée à l’épuisement maternel pourrait réduire également la période d’aménorrhée.
En conclusion, pour votre projet de conception
Si vous souhaitez tomber enceinte, il faudra vous assurer d’un retour des menstruations et d’une phase lutéale d’un délai correct (10 à 18 jours) pour favoriser l’implantation et la nidification embryonnaire.
Si vous éprouvez des difficultés à avoir un retour de couches après 6 mois, il est possible de sevrer de nuit dans un premier temps.
D’après une étude de 2006, la suppression abrupte d’une tétée de nuit serait plus efficace pour le retour de cycle que la diminution progressive de la durée des tétées de nuit.
Dans un second temps, il est possible d’espacer les tétées de plus de 4 à 6h, en veillant à ce que votre bébé ait l’ensemble de ses apports (les compléments de lait peuvent être parfois nécessaires).
Enfin si vous avez un retour de couches mais une phase lutéale courte, il est possible de voir avec votre médecin pour un traitement permettant d’augmenter la progestérone. Dans ce cas, une baisse de la lactation peut être observée mais il semble compatible avec l’allaitement vu le faible passage évalué dans le lait maternel.
Si malgré toutes ces dispositions, les difficultés de conception demeurent, il est possible de s’orienter vers un traitement pour la fertilité dans une clinique spécialisée PMA.
Dans ce cas, il est possible que le centre demande le sevrage complet de l’allaitement afin que la prolactine délivrée en pics liées aux tétées n’interfère pas avec le traitement. Cependant le traitement est compatible avec l’allaitement et le sevrage n’est pas toujours une nécessité. Il s’agira de prendre cette décision en connaissance de cause.
Marina Boudey conseillère en allaitement en Ardèche et en visioconference quel que soit votre lieu de vie.
Pour prendre Rdv c’est par ici
https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0079612301330157
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/387162/
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/6883735/
https://www.e-lactancia.org/breastfeeding/dydrogesterone/product/
Conception ou allaitement faut-il choisir la voie lactée- LLL- 2010
https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2025348118